La gauche levantine

Mais enfin, qui dit que l’ancienne gauche patriote n’est plus de ce monde ? Qui peut encore affirmer que la souveraineté, l’identité et même la culture, cette indéfinissable nourriture des peuples, ont disparu des valeurs de la gauche ?

Allons, il suffit d’écouter ! Prenons les éléments de langage de la France Insoumise. Nous jouissons ces derniers temps d’une belle récolte automnale dont on sent bien que les fruits sont parfumés, gorgés d’un souverainisme des plus enracinés. Au hasard : la « guerre coloniale ». On aurait pu penser que la France Insoumise, qui dénonce l’analyse du « grand remplacement » comme caricaturale, aurait pris garde d’utiliser des mots et concepts approchants, comme « colonisation », afin d’évoquer la réponse militaire d’Israël après le 7 octobre. Cohérence oblige, il faut manier les théories avec doigté. D’ailleurs, LFI ne devrait-elle pas plutôt, vu son discours, se trouver la plus à même de concevoir le retour des juifs sur une terre arabe comme une chance pour la région ? En effet, la mixité induite par le brassage des populations ne conduit-elle pas à une forme de créolisation orientale ? Son rêve ! Mais non, c’est de suprémacisme dont elle parle… Colonisation d’un peuple arabe déjà installé sur ses terres. Comme quoi, le respect de l’enracinement compte bien pour cette gauche. Elle est parfois pudique sur la question, mais pas cette fois.

Même l’internationalisme est mis à mal. La passion historique de l’Internationale des peuples, l’insistante espérance en l’Union Européenne, bref, tout ce qui peut tordre ces insupportables frontières nationales s’efface subitement lorsqu’il s’agit de soutenir la solution des deux états, israélien et palestinien. Allons donc ? La frontière serait-elle désormais facteur de cohésion, de paix ? Tolérerait-on brusquement qu’un état souverain, pire ! qu’un drapeau ! délimitât une différence entre les hommes ?

Mais oui. Tout à fait. Un véritable pays, avec son drapeau, son homogénéité, sa souche historique et… sa culture ! Sa religion comme bouclier ! Le peuple palestinien n’est-il pas défendu, d’après une députée insoumise, par un « mouvement de résistance » ? Les deux sabres entrecroisés du drapeau vert ne prouvent-ils pas que la culture, fût-elle religieuse, abonde et propulse la dynamique des peuples ? Chose commode, ici, le sabre est déjà intégré au goupillon, il le remplace même !

Oui, Éric Zemmour doit en frissonner d’aise. De joie !  Rien n’est perdu et l’union des patriotes peut déborder à nouveau des clivages traditionnels. Au travers de cet énième conflit israélo-palestinien, la France Insoumise se ravigote. Elle croit en tout ce qu’elle prétendait combattre la cachottière ! L’histoire, la filiation, les frontières ! Pour Marx, les prolétaires n’avaient pas de patrie, mais, pour Mélenchon, les peuples arabes en disposent ! Désormais, il ne lui reste plus qu’à penser à la sienne. Il est attendu.