La braise qui couve : Technique de dégrisement

« L’ignorance domine le monde, elle est arrivée au stade où elle sait tout, peut tout, veut tout. », 2084, La fin du monde.

Dans son livre « 2048 : la fin du monde », Boualem Sansal décrit une société totalitaire et ce par l’entremise de la religion. Ce dernier semble pencher vers l’athéisme convaincu mais ne manifeste pas dans ces interviews d’aigreur particulière concernant les croyances, fut-ce l’islam. C’est donc plutôt les mécanismes psychologiques décrits lors du récit qui nous intéresseront ici.

L’auteur semble s’amuser à retourner chaque concept pour en dévoiler la possible toxicité sociale. Nous vous proposons d’en survoler quelques-uns et de nous essayer à en tester de nouveaux. Vous aurez ainsi tout loisir de pratiquer cette inversion de concepts au quotidien.

La croyance dans la société toute puissante résulte de l’absence de croyance.

« Le mot le dérangeait plus que cela. Mécroire, c’est refuser une croyance dans laquelle on est inscrit d’office mais, et c’est là que le bât blesse, l’homme ne peut se libérer d’une croyance qu’en s’appuyant sur une autre, comme on soigne une addiction avec des drogues, en l’adoptant plus avant, en l’inventant si besoin. »

Plutôt que de s’efforcer à construire une histoire parfaite, les systèmes totalitaires fabriqueraient une fiction maladroite, grossière, de nature à faire douter les citoyens. Car celui qui laisse se déployer en lui les racines d’une croyance peut devenir le terreau de n’importe quelle autre croyance. Le système totalitaire préférera assécher la terre fertile et plonger la société dans un doute qui confine au cynisme, voire au relativisme. C’est plus courant qu’on ne le croit.

La soumission, pour être totale, nécessite la révolte

On ne peut être vraiment soumis que si l’on a conscience de l’horreur dans laquelle nous sommes plongés. Lorsque l’individu soupèse parfaitement ce qu’il risque et sa petitesse, sa fragilité face au rouleau compresseur social qui peut à tout moment le démembrer lui et sa famille, il est d’autant plus enclin à baisser la tête. Il a peur, mais sa lucidité renforce sa frayeur.

Quand il n’y a plus que le mal, le mal qui s’oppose au mal devient le bien

Il suffit d’embrouiller les choses pour que n’importe quelle affirmation paraisse claire. Partant d’un chaos terrifiant, n’importe quelle action qui viendra s’opposer au chaos semblera positive et libératrice. Face au tyran, le pervers et l’égoïste ne paraissent-ils pas insignifiants, et finalement sympathiques ?

Proposition et exercices pratiques !

La maladie résulte parfois de la médecine. Pensez-y lorsque vous ouvrirez votre prochaine boîte d’Efferalgan. Nous savons que les médicaments peuvent parfois aggraver le mal sans que ses causes premières soient combattues. C’est le principe même de la iatrogénie.

L’insécurité peut provenir du surcroît de sécurité. Chacun aujourd’hui sera soulagé de savoir sa voiture surveillée à l’extérieur par de vigilantes caméras de surveillance. Tout va bien tant que le sujet à contrôler 24h/24 reste la voiture et non son propriétaire…

Quentin Dallorme